A l'Université de Lorraine, une commission a travaillé pendant un an en vue de l'élaboration d'une charte sur le statut de l'élu des conseils centraux. Je reprends ici une note que j'ai transmise aux autres membres de la commission en prévision de la réunion du 8 février 2024.
On entend souvent dire que les gens ne s'intéressent pas au fonctionnement démocratique de l'Université. Et il est vrai que si tout le monde connaît le nom de la présidente de l'université de Lorraine, la plupart des collègues seraient bien en mal de citer le nom d'un vice-président ou d'une vice-présidente.
Pourtant, si on analyse un peu les chiffres données par les dernières élections aux conseils centraux, ils racontent une tout autre histoire: les taux de participation sont très au-dessus des élections nationales: le taux de participation à l'élection du conseil d'administration est de 55% pour les BIATSS, 60% pour les maîtres de conférences et autres enseignants, 76% pour les professeurs et assimilés. Une autre donnée plus parlante peut-être est le nombre de candidats et de candidates dans les conseils centraux. Pour un total de 6920 inscrits sur les listes électorales, on comptait près de 500 candidats. Près de 7% du corps électoral était donc candidat à ces élections. Que 4 équipes aient été en capacité de présenter des candidats et des candidates dans tous les conseils est tout à fait remarquable, même dans un contexte où le président sortant, qui avait imprimé sa marque à l'établissement, ne se représentait pas. On peut par exemple comparer à la proportion des électeurs candidats, dans une configuration comparable, dans une élection municipale d'une ville de taille comparable: on trouve alors une proportion deux ou trois fois plus faible (2 ou 3%).
Au delà de la pétition de principe, parfois convenue, en faveur de la démocratie, les chiffres laissent penser qu'existe un vrai désir de démocratie, que les institutions et les pratiques peinent à satisfaire.
Il faut reconnaître que le système institutionnel n'incite pas de manière évidente au fonctionnement démocratique. D'abord, le seul conseil qui ne soit pas consultatif, le conseil d'administration, est largement acquis à la présidence, quelle que soit l'ampleur du vote populaire qui l'a porté. En réalité, l'essentiel du pouvoir institutionnel du conseil d'administration s'effondre dès lors que le président ou la présidente est élue. La raison en est que la plupart des textes qui sont votés correspondent à une commande réglementaire externe, avec des échéances strictes, ce qui laisse peu d'espace pour l'élaboration d'un projet alternatif à celui présenté par l'équipe présidentiel. Enfin et surtout, l'équipe présidentielle maîtrise totalement l'ordre du jour. On est dans une situation très différente de l'Assemblée nationale, où, même dominé par l'exécutif, l'Assemblée à tout de même une capacité réelle à proposer.
Rappelons cependant l'article 3.I du décret de création de l'Université de Lorraine
Le président de l'université de Lorraine, par ses décisions, le conseil d'administration, par ses délibérations, le conseil scientifique, le conseil de la formation, le conseil de la vie universitaire et le sénat académique, par leurs avis et orientations, assurent l'administration de l'université. Un directoire assiste le président dans l'accomplissement de ses fonctions.
Ainsi, n'est pas une fatalité la pratique (commune à bien des universités) qui donne l'exclusivité de l'élaboration des textes à ceux qui tirent leur légitimité du choix présidentiel, ou à ceux qui ont pour mission d'assister le président/la présidente.
En pratique, les conseils disposent essentiellement aujourd'hui essentiellement d'un pouvoir d'amendement. C'est en sortant de ce rôle qui leur est classiquement dévolu qu'ils pourront acquérir reconnaissance et légitimité.
Pour cela, les élus et les élues doivent disposer du temps et des connaissances leur donnant capacité à être force de proposition. Ce groupe de travail ayant déjà parlé de la problématique du temps, cette note se consacre aux conditions d'une contribution efficace, et aux modalités que peut prendre cette contribution.
La première modalité est l'émergence de propositions dont les membres des conseils, individuellement ou collectivement, seraient à l'initiative. Rien n'interdit que les bureaux des conseils fournissent des propositions, et en réalité, plus simplement, rien n'interdit que des membres des conseils fassent des suggestions à l'équipe politique.
Une condition nécessaire est que les membres des conseils aient accès à un certain nombre de données concernant l'établissement. Le partage des informations est nécessaire pour donner pleine efficacité aux membres des conseils.
Cet accroissement de l'activité des élus et des élues ne peut être sans effet sur la charge de travail des personnels administratifs; la présidente a déjà exprimé que c'était pour elle une préoccupation majeure. Si on admet toutefois la nécessité que les membres des conseils accèdent à certaines informations, il faut en organiser la circulation de manière optimale. En particulier, il faut éviter que les agents qui possèdent cette information ou peuvent la trouver soient assaillis par des demandes dont la légitimité leur est inconnue, et qui dès lors se retourneraient vers leurs supérieurs, ce qui serait encore une perte de temps. Il faut donc qu'il y ait une certaine systématisation de la transmission d'informations, d'indicateurs, aux membres des conseils.
Donnons quelques pistes pour l'identification des outils nécessaires aux conseillers, qui peuvent ne pas être les mêmes pour chaque conseil; cela peut être
Cela se contribuerait vraisemblablement par des accès au TBO, avec des granularités à définir.
Concernant le conseil d'administration, il serait fort utile de donner la possibilité aux administrateurs d'avoir accès aux dépêches AEF Data Sup sur l'enseignement supérieur, puisque, là où nous sommes, il est nécessaire de pouvoir comparer ce qui se fait à l'UL et ce qui se fait ailleurs.
La deuxième modalité est celle de la co-construction. Si on part de l'existant, on peut imaginer que les binômes déjà constitués entre les présidences et vice-présidences de comités/commissions animent des travaux de construction, à l'image des binômes des commissions parlementaires. Ces travaux communs n'auraient pas vocation à arriver inéluctablement à une conclusion unique consensuelle, mais permettraient d'amener les données, parfois contradictoires, de la question à l'étude, dans un état de présentation qui permettrait aux conseils de formuler leurs avis en étant éclairés.
Une plus grande implication des membres des conseils contribuera à une plus grande efficacité et à une libération des énergies. C'est aussi, il me semble, une nécessité démocratique. En effet, l'université étant devenu un objet extrêmement complexe, si elle était incapable de diffuser la connaissance et la culture de ses arcanes, elle serait très vite conduite à ne se renouveler que par cooptation, incapable qu'elle serait de faire émerger des alternatives.
Olivier Garet, le 7 février 2024