L'Assemblée Nationale a finalement voté en première lecture, avec la loi sur la lutte contre l'antisémitisme dans les établissements d'enseignement supérieur, l'article 3 créant une section disciplinaire académique pouvant statuer à la place de la section de l'Etablissement.
La question des mobilisations étudiantes a occupé l'essentiel des débats. Ainsi, outre un sous-amendement réaffirmant les droits de la défense, deux sous-amendements ont été votés visant à cadrer un peu les choses.
La portée de ce dernier sous-amendement est à relativiser: dans la situation d'impécuniosité où sont maintenues les universités, les moyens de pression du pouvoir exécutif sur les présidences sont évidents.
Si l'on en croit le ministre, les amendements n'ont fait que préciser le texte. Les problèmes demeurent donc.
On reste suspendus à l'écriture du décret par le conseil d'état, qui précisera la composition de cette nouvelle instance. Mais ce qu'on sait déjà, et en cela la version votée par l'Assemblée va plus loin que la version sénatoriale, c'est que sera introduit la présence de représentants de l'administration, ce qui est une rupture franche avec le fonctionnement actuel. On va donc avoir deux instances, soumises à des logiques internes différentes, qui pourront être saisies pour de mêmes faits. On a beaucoup parlé d'antisémitisme, mais il est important de noter que cette section disciplinaire à venir pourrait être saisie sur n'importe quel fait.
On comprend bien, et dans le débat parlementaire, le ministre l'a avoué à demi-mots, que l'idée sous-jacente est qu'il y a des établissements dont les services juridiques ne sont pas suffisamment étoffés pour apporter aux sections disciplinaires toute l'information nécessaire pour sécuriser leurs jugements. Les présidents de ces établissements seront naturellement portés à externaliser systématiquement les jugements des affaires sensibles. Dans le cas, malheureusement trop fréquent, des violences sexistes et sexuelles, de l'homophobie et du sexisme ordinaire, l'établissement est clairement le bon échelon, à la bonne distance, pour qu'une action disciplinaire participe à la sensibilisation des consciences. Les statistiques montrent que les établissements travaillent à une meilleure déclaration de ces faits; on peut craindre que le recours à une instance trop lointaine brise cette dynamique et conduise à une sous-déclaration, ce qui est le contraire de ce qu'on souhaite.
Il y a bien des choses qu'on pourrait faire pour améliorer le disciplinaire étudiant: il faudrait plus de moyens pour les services juridiques des universités, du temps libéré pour les membres enseignants des sections, des aménagements pour les membres étudiants, une réflexion sur les niveaux de sanctions et leurs modalités d'exécution, actuellement très contraintes.
Mais on a légiféré dans l'émotion, assumant une justice à deux vitesses, sans peser tous les effets du texte sur les établissements. Un travail parlementaire approfondi aurait dû avoir lieu, qui aurait considéré l'action disciplinaire dans tous ses aspects.